Résumé
Le Code civil, le Conseil d’Etat, la Légion d’Honneur, les préfets, les lycées… ces institutions familières ont en commun d’avoir été créées, refondées ou redéfinies sous le Consulat, le régime qui est issu du coup d’Etat de Bonaparte (1799) et auquel succède l’Empire (1804). Alors que le pouvoir législatif était le coeur de la Révolution française, il est laminé en 1799 et remplacé par un pouvoir exécutif omnipotent, concentré dans les mains d’un homme qui en fait sa chose.
La centralisation administrative, telle que nous nous la représentons aujourd’hui, prend sa source dans la dictature de Bonaparte . Elle rompt avec la logique « décentralisatrice » mise en oeuvre depuis 1789 et renforcée par le Gouvernement révolutionnaire en l’an II. Aussi, ce que l’on nomme abusivement « le centralisme jacobin » devrait être désigné comme le « centralisme bonapartiste » . Le processus de centralisation s’accompagne d’une confiscation de la démocratie.
Les décisions prises sont hors du contrôle du peuple, alors qu’il est prétendu souverain. L’administration se substitue alors à la politique, le fonctionnaire remplace l’élu et le citoyen est réduit au statut d’administré. Les experts choisis par Bonaparte sont les seuls habilités à définir l’intérêt général et les politiques censées l’incarner. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen disparaît et la référence à la république, de plus en plus formelle, n’a pour seule fonction que de légitimer le régime.
L’ordre social repose sur le propriétaire qui a le « droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue » , le patron dominant ses ouvriers, le mari sa femme et le père ses enfants. La dictature de Bonaparte entend « dépolitiser » la nation et s’appuie sur la surveillance policière et la mise en place d’un régime où la liberté de la presse n’est plus qu’un mot. Le Concordat avec le Pape « recléricalise » la France et fait des prêtres les auxiliaires du pouvoir.
Le culte du Chef de l’Etat et les valeurs militaires de l’ordre, de l’obéissance et de l’honneur sont érigés en culture politique dominante. A l’extérieur, le Consulat de Bonaparte est marqué par la construction d’une hégémonie autoritaire sur les peuples « libérés » par les armées françaises (Hollande, Suisse, Italie du Nord, Allemagne rhénane) et par une réaction coloniale sanglante en Guadeloupe et à Saint-Domingue, accompagnée du rétablissement de l’esclavage en 1802.
Aujourd’hui, la société propriétaire et les stigmates « bonapartistes » de la Constitution de la Ve République – la monarchie républicaine, la « verticalité du pouvoir » , le législatif marginalisé – suscitent la critique et interrogent la nature de notre « démocratie » et ses dysfonctionnements.
Marc Belissa est maître de conférences habilité émérite à Paris Nanterre. Il a participé à de nombreux ouvrages collectifs sur les révolutions et les relations internationales au XVIIIe siècle. Ses derniers ouvrages parus sont Robespierre, la fabrication d’un mythe (avec Yannick Bosc), Ellipses, 2013, Le Directoire. La République sans la démocratie (avec Yannick Bosc), La Fabrique, 2018 et édition, introduction et notes de Charles-François Dumouriez, Le Moment thermidorien de Charles-François Dumouriez. Oeuvres politiques, 1795, Kimé, 2019.
Yannick Bosc est maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Rouen, coordonnateur de Révolution-française. net. Derniers ouvrages publiés : La Terreur des droits de l’homme. Le républicanisme de Thomas Paine et le moment thermi-dorien, Kimé, 2016 ; Le Directoire. La république sans la démocratie (avec Marc Belissa), La Fabrique, 2018 ; Hannah Arendt, la révolution et les droits de l’homme, (codirection avec Emmanuel Faye), Kimé, 2019 ; Le peuple souverain et la démocratie. Politique de Robespierre, Editions Critiques, 2019.
Détails produit : livre broché, grand format.